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La Périgourdine, le terroir comme étendard

« Tout l'enjeu est de cultiver l'identité Périgord, la faire vivre et que nos producteurs en profitent », mettent en avant Didier Fourcaud, président, et Jean-François Lacoste, DG.Nicolas Lux

Impliqué sur son territoire et fort de ses divers métiers, le groupe périgourdin s'emploie à consolider l'agriculture en Dordogne. En toute autonomie et discrétion.

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On a beau éplucher les moteurs de recherche, difficile de trouver des informations sur La Périgourdine. Alors que l'entreprise dégage un chiffre d'affaires de près de 100 M€. Un paradoxe visiblement cultivé... A l'origine coopérative d'appro-collecte, La Périgourdine s'est largement diversifiée, notamment ces vingt dernières années. A tel point que le chiffre d'affaires de la coopérative ne représente plus qu'un tiers du chiffre d'affaires d'un groupe qui détient des parts dans de nombreuses sociétés, ainsi qu'un certain nombre de filiales négoces d'appro-collecte (Vidal, Terres du Limousin, Sonagro, Terres de Gironde). « On préfère travailler par secteur géographique et par métier, argumente le président, Didier Fourcaud, mais les décisions sont prises en conseil d'administration ou par le DG dans le fonctionnement au quotidien. »

Une enseigne de jardinerieen nom propre

La Périgourdine défend une certaine indépendance. En appros, elle a tout de même rejoint (sur le tard) la centrale d'achat Unisud. « A un moment donné, il le fallait, pour continuer à accéder à des tarifs compétitifs, justifie le DG Jean-François Lacoste. En revanche, dans la commercialisation des céréales, on est toujours seul, et je vois cela durablement. » Les céréales collectées sont d'ailleurs principalement utilisées et transformées dans la région : filière canards du Périgord, meuniers départementaux, usines d'aliments de Dordogne, comme Sanders Périgord dont l'entreprise est actionnaire. Une minorité de la collecte part à l'export à partir de Bordeaux.

Autre preuve de la singularité de l'entreprise : le réseau de magasins, dense et non intégré à un réseau national. Il compte en effet plus d'une vingtaine de sites en marque propre « Coopérative agricole La Périgourdine ». « Nous sommes un peu les derniers des Mohicans à avoir une enseigne qui nous appartient », lâche, pas peu fier, Jean-François Lacoste. Et par conséquent un agencement des magasins également spécifique. « Contrairement à presque tous nos confrères, nous avons depuis toujours gardé l'ensemble des métiers (excepté la collecte) sur nos nombreux magasins. » Lesquels sont toujours conçus sur le même modèle : une surface d'environ 900 m2 comprenant un Lisa (avec une serre), un espace extérieur (végétaux d'extérieur, produits agricoles type abreuvoirs, des piquets de vigne...), la partie purement agricole (le dépôt d'appro) et depuis quelques années, un espace alimentaire intégré, dénommé Les Halles du Périgord.

Ni cartes de fidélité ni promos

« C'est notre savoir-faire agricole qui est mis au service des territoires ruraux », décrypte Didier Fourcaud. « Ce qui fait notre force, ce sont les racines agricoles et le personnel polyvalent, reprend Jean-François Lacoste. Ce n'est pas comme dans les grandes chaînes. Dans nos jardineries, on n'y trouve que ce qui a trait de près ou de loin à l'agriculture, on ne va pas trouver de mobilier de jardin par exemple. » L'offre a été bâtie depuis le début sur ce principe : des articles durables, adaptés aux professionnels, fabriqués en France, garantis cinq ans... Grâce à ces éléments de différenciation, désormais dans l'air du temps, les magasins captent d'autres publics. Il n'est pas rare de voir du personnel du BTP se fournir en chaussures de sécurité ou des chasseurs venir chercher des bottes. Dans les jardineries La Périgourdine, ce n'est pas le prix avant tout, mais le rapport qualité/prix. « On ne trouvera jamais de carte de fidélité, ni de promotion, tonne Jean-François Lacoste. Car s'il y a une promo, ça veut dire qu'on trompe le consommateur sur un produit ailleurs dans le magasin. Et je n'ai pas comme mandat d'arnaquer le consommateur, et encore moins l'agriculteur. » Les magasins ne font pas non plus de publicité. Ce qui ne les empêche pas d'atteindre de fortes parts de marché en zones rurales et de progresser de 7 à 10 % par an en ville, notamment à travers l'espace alimentaire. Ce dernier regroupe « le plus possible » des produits de ses adhérents (noix, châtaignes, vins, fruits et légumes... et même bientôt des crèmes glacées), et sinon, des produits artisanaux locaux. « On a un terroir, on travaille le plus possible avec », rappelle-t-on dans la coopérative qui s'est engouffrée dans le filon. La Périgourdine a de fait repris les activités noix et châtaignes il y a quelques années de la coopérative fruitière Les Bitarelles. Ce qui en fait le leader national de la châtaigne en frais (600 000 à 800 000 kg par an) et une bonne présence en noix AOC du Périgord, entières ou en cerneaux sous vide. Deux produits calibrés et conditionnés dans la station de Notre-Dame-de-Sanilhac. « Cela ne représente que 3 % de notre activité, mais c'est très typique et très diversifiant », se félicite Jean-François Lacoste.

Noix, châtaignes et autres oies

Depuis trois ans, la coopérative a également investi la filière gras en rachetant l'abattoir de Nontron et travaille désormais canards, oies, poulets et pintades, sur du segment haut de gamme (poulet fermier de plus de cent jours, volailles sans antibiotiques, canards et oies du Périgord). « Nous sommes également leader dans le fois gras d'oie français dans le cadre d'une coentreprise avec la coopérative Sarlat Périgord Foie gras. » Et ce n'est pas tout. Le groupe La Périgourdine, c'est aussi un laboratoire d'oenologie, une entreprise d'embouteillage, un actionnariat minoritaire dans Caussade semences... Plein de petits ruisseaux qui, mis bout à bout, font une rivière de valeur ajoutée, pour « recréer l'esprit coop, l'outil qui permet d'amortir les coups durs ». « On travaille dans la durée, martèle le DG, et avec une volonté d'investissement à marche forcée. » Chaque année, le groupe investit 2 à 6 M€ dans la construction de nouveaux magasins, de silos, dans le réaménagement des outils... En cinq ans, quinze magasins ont été construits (trois nouveaux vont encore ouvrir en l'espace d'un an), ainsi qu'en huit ans, 30 000 t de capacité de stockage. La modernisation des sites de collecte a permis de satisfaire de nouveaux débouchés. D'où le récent partenariat (mai 2016) avec l'entreprise de pâtisseries industrielles surgelées, Mademoiselle Desserts. Cet engagement porte sur 2 800 t de blé, avec un achat à prix fixe de 160 €/t sur trois ans. La vingtaine de producteurs partenaires sont les fournisseurs exclusifs de l'usine de pâtisseries avec la Minoterie Allafort. « Là encore, on travaille avec des entreprises de Dordogne. » L'implication dans la vie locale, c'est le fil directeur de l'entreprise : « On est d'ici, on fait travailler les gens d'ici, on approvisionne les gens d'ici et on espère qu'ils vont s'approvisionner chez nous, devise Jean-François Lacoste. Le groupe travaille exclusivement avec des entreprises locales. Par exemple, quand des ouvriers viennent pour des travaux, avant de démarrer, je leur glisse de ne pas oublier de consommer local. C'est une logique de différenciation qui nous permet encore d'exister aujourd'hui. » « On a une identité Périgord, ajoute Didier Fourcaud. Tout l'enjeu est de cultiver cette identité, cette assise locale, la faire vivre et que nos producteurs en profitent. Et on continue de garder un oeil sur les produits locaux qui marchent. » « Mais tout est question de dimension, poursuit le DG. Nous, on fait ce qui n'intéresse pas les autres, car on fait de l'épicerie. »

Enfin un site internet pour 2017

Et la culture du secret ? « C'était volontaire, ça a été presque un jeu, répond avec malice Jean-François Lacoste. Jusque-là, cela suscitait de la curiosité. Le bouche-à-oreille, c'était super. Mais ce système a ses limites. A un moment, ça le dessert. On a été au bout de cette stratégie. On commençait à avoir des retours négatifs de salariés en interne. Il y a des entreprises qui veulent mieux nous connaître, un chiffre d'affaires qui dépend désormais à 17 % du grand public. » L'entreprise a donc décidé de se rendre un peu plus visible par un site internet qui va se concrétiser début 2017.

Renaud Fourreaux

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